CITÉ GUTENBERG - Nanterre
Collectif
CITÉ GUTENBERG - Nanterre
Un film de Collectif
1985 | Reportage | 8 min 03 | Agence IM'Média
Producteur
Agence IM'Média
agence.immedia@free.fr
Distributeur
Agence IM'Média
agence.immedia@free.fr
Reportage réalisé dans le cadre du mouvement pour le relogement des habitants des cités de transit, et inclu dans le magazine Vidéo-News spécial Justice réalisé par l’agence IM’média à l’automne 1985.
Le 23 octobre 1982 au soir, Abdennbi Guemiah, 19 ans, est mortellement blessé à coup de fusil tiré par un pavillonnaire voisin alors qu’il rentrait chez lui, cité de transit Gutenberg à Nanterre. Il décèdera le 6 novembre. Sa famille et ses amis se mobilisent aussitôt pour honorer sa mémoire, restituer toute sa personnalité et pour que justice soit rendue.
D’origine marocaine, Abdennbi était lycéen à Joliot Curie (Nanterre), en terminale. Il était respecté et apprécié. A la cité – appelée aussi « Cité blanche » – , il s’occupait de la scolarité des petits et participait à l’organisation de loisirs et de camps de vacances dans le cadre de l’opération « anti-été chaud ». Poète et musicien à ses heures, il était aussi connu pour se promener avec une guitare. Il avait ainsi participé à un concert « Rock against police » dans la cité, le 8 mai 1982. Co-fondateur et trésorier de l’association-club Gutenberg, Abdennbi ne supportait pas les conditions de logement et de vie indignes dans un « transit » provisoire qui s’éternise depuis… 1971. Enfin, il protestait avec ses amis contre l’omniprésence policière et la « psychose sécuritaire » qui poussait les voisins à s’armer contre les habitants majoritairement arabes des cités de transit.
Le 10 novembre, une marche silencieuse parcourt la ville, du lycée Joliot Curie jusqu’à la cité Gutenberg, pour un recueillement sur le lieu du drame. Face à la dignité des manifestants où se côtoient jeunes, familles et enseignants, les passants s’inclinent, les commerçants font taire leur haut-parleur. Le Maire, le préfet et le secrétaire d’Etat à l’immigration François Autain se rendent eux à la cité pour visiter la famille. Ils se renvoient sans cesse les responsabilités. Les jeunes, qui ont gagné la confiance des parents, ne se laissent plus baratiner : ils se disent prêts à la concertation avec les pouvoirs publics, mais cartes sur table, avec des objectifs et un calendrier précis.
Une grève définitive des loyers est décidée, et un comité des résidents s’installe dans les locaux de l’ex-gérant, éjecté. Son objectif : faire l’inventaire des besoins des familles de la cité (environ 130, soit plus de mille personnes), recueillir le lieu et le type d’habitat souhaité, enfin assurer le suivi d’un processus de relogement décent effectif, sur Nanterre ou ailleurs. Des délégués du comité siègent en préfecture dans les différentes commissions d’attribution de logements ou d’enquête sur la gestion douteuse de la Cetrafa. Le comité de quartier du Chemin de l’île, qui regroupe des locataires des HLM voisines, est investi. Et le 5 février 1983, une grande journée « portes ouvertes » se tient à la cité. Devant les 2 000 personnes présentes, le Maire communiste Yves Saudmont, chahuté, annonce se résoudre à reloger « ceux qui travaillent dans les entreprises de la ville ». Mais le 14 février 1983 à Châtenay-Malabry, le jeune Nacer M’raïdi est grièvement blessé par un policier près de la cité de transit La Butte rouge, également en grève des loyers. Le comité décide alors de s’auto-saborder, pour signifier aux pouvoirs publics qu’il n’entend pas « gérer la misère » à leur place, tandis que continuent les crimes racistes ou sécuritaires. L’association Gutenberg se joint à Wahid association de Vaulx-en-Velin pour l’initiative des « Folles de la place Vendôme ». Et une coordination des cités en lutte se met en place pour accélérer le relogement, et la SCOP Transit’Services est lancée en août 1983 par des jeunes de la cité pour en contrôler le processus.
Le 1er février 1985, le meurtrier d’Abdennbi Guemiah est condamné à 12 ans de réclusion criminelle. A la veille du procès, les toutes dernières familles de la cité ont été relogées, et les bulldozers entament leur ronde pour démolir les bâtiments de la cité qui s’effondrent tel un château de cartes.
Réalisation : Collectif
Images & son : Samir Abdallah – Cheikh Djemaï
assistants et régie : Nordine Iznasni & Tarek Kawtari
Images d’archives : Association Gutenberg – Agence IM’média
commentaire: Farid Taalba
Musiques : – Police on my back /The Clash – Nanterre Ville bidon / Les Amis d’Abdennbi
Dessins : Last Siou
Production : Agence IM’média – Automne 1985