Corse – « les Têtes de Maures »
Cheikh DJEMAÏ
PHOTOS
Corse – « les Têtes de Maures »
Un film de Cheikh DJEMAÏ
1989 | | 8 min. 23' | Agence IM'média
Producteur
Agence IM'Média
agence.immedia@free.fr
Distributeur
Agence IM'média
agence.immedia@free.fr
Ce reportage TV a été diffusé le 29 octobre 1989 dans l’émission Rencontres sur FR3 national, co-produite par l’agence IM’média.
En Corse, les immigrés seraient environ 26 000, dont 42% de Marocains, selon l’Insee (chiffres de 1982), sans compter les sans-papiers, soit 10 % de la population. Pour la plupart, ils vivent dans des baraques fournies par l’employeur et autres taudis d’Ajaccio ou de Bastia. Ils témoignent de conditions de vie dégradantes et de leurs difficultés à trouver un logement décent. Le préfet de police, Jean Thieblemont, récuse tout racisme et invoque devant la caméra de FR3 Ajaccio une sorte de fatalité: ces conditions sont inadmissibles, « mais malheureusement c’est comme ça », tandis que Marc Marcangeli, adjoint au maire, fait mine de découvrir un « ghetto » à quelques centaines de mètres de sa commune.
Journaliers, saisonniers ou mensualisés, parfois non payés, un sentiment de surexploitation prédomine chez les travailleurs immigrés. Alain Orsoni, membre du mouvement Cuncolta (avant de passer au Mouvement pour l’autodétermination – MPA ) évoque le « clan » – celui des grandes familles – qui règne sans partage par un système de népotisme et de concussion, et qui ne s’embarrasse guère des règles du code du travail.
Les ouvriers agricoles ou terrassiers arabes subissent aussi un racisme exacerbé sur fond de sordides affaires de drogue ou de racket. « I Arabi Fora » (Les Arabes dehors !), « Morta Pè Arabi », « Les Bicots au tombeau »…: ces slogans sont peints sur bien des murs. En cette année 1989, le FLNC a reconnu s’être trompé à propos d’assassinats visant des Arabes trois ans plus tôt, mais plasticages et meurtres continuent: à Ghisonaccia (côte orientale, près d’Aléria), on compte au moins une dizaine d’attentats. Et le 22 mai, on a relevé un mort tunisien à Cauro (vers Ajaccio) dans un fourgon qui lui servait de domicile. Revient alors une question lancinante : y aurait-il plus de racisme en Corse ? Christian Leblanc, membre de l’association antiraciste Ava Basta estime qu’il ne s’agit pas d’un problème de quantification. Le racisme existe, il ne faut pas le banaliser par le silence, et ne pas toujours renvoyer à plus tard. La poète Daniel Maoudj pense aussi que c’est une question de classe en lien avec l’économie-mirage de la Corse.
Hafid et Mimouni, jeunes issus de l’immigration, ont décidé de participer à des manifestations et de s’exprimer ouvertement pour dire « Halte au racisme », tout en regrettant la réserve apeurée de leurs parents. Mais « les vieux ne nous comprennent pas… ».
Fiche technique :
Durée: 8 min. 23 »
Format d’origine: Bétacam SP
Réalisation et commentaire: Cheikh Djemaï
Images: Samir Abdalla
Son: Mohamed Chicomy
images d’archives: FR3 Ajaccio
montage : Angela Melitopoulos
Production : Agence IM’média – octobre 1989
Mots clés : Corse – Ajaccio – Bastia – Ghisonaccia – Association Ava Basta – Alain Orsoni – Racisme – Logement – ouvriers agricoles – travailleurs immigrés – jeunes immigrés
Cheikh DJEMAÏ
Cheikh Djemaï, réalisateur franco algérien, a d'abord flirté avec le théâtre. Durant dix années passées au théâtre des Amandiers de Nanterre, il côtoie les plus grands metteurs en scènes : Pierre Debauche, Antoine Vitez, Patrice Chéreau, Roger Planchon, Daniel Mesguish, Andrzej Wajda… Il choisit finalement l'image, voie qui lui permet d'exprimer ses révoltes, ses passions, ses doutes, ses espoirs. Après avoir collaboré à diverses émissions ainsi qu'à des magazines télévisés, il se lance dans la réalisation de films plus personnels. Ses films ont été sélectionnés et consacrés dans de nombreux festivals à travers le monde. Filmographie non exhaustive : Une République en exil ; FRANTZ FANON : Une vie, Un combat, une œuvre… ; La nuit du doute ...