Marseille 1973, l'été meurtrier

Mogniss H. Abdallah
Samir Abdallah

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Marseille 1973, l'été meurtrier

Un film de Mogniss H. Abdallah, Samir Abdallah

2023 | Documentaire | 5mn35" | Agence IM'média

Producteur
Agence IM'Média
agence.immedia@free.fr

Distributeur
Agence IM'média
agence.immedia@free.fr

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Synopsis

Marseille 1973, l’été raciste meurtrier
Un remue-mémoire en plein chantier
( 2023 – 6 min. 35 »)

Cinquante ans après, on reparle (un peu) de la flambée raciste à Marseille et dans le Midi de la France lors de l’été 1973, qui a entraîné une douzaine de morts et des dizaines de blessés. Cela a commencé par la « ratonnade » de Grasse le 12 juin 1973 : suite à une assemblée générale de 200 à 300 ouvriers tunisiens sans-papiers devant la mairie pour réclamer des papiers et la « carte de travail », le droit à la santé et à un logement décent, ainsi que des augmentations de salaire ou encore la liberté d’expression et d’association, les gardes-mobiles investissent la place. Avec l’appui de petits commerçants et artisans, commence alors une chasse à l’homme dans les rues et jusque dans les maisons, qui va durer jusqu’au milieu de la nuit. « C’est très pénible, vous savez, d’être envahi par eux », confie à la presse le maire, un centriste proche de Jacques Médecin, député-maire de Nice réputé très à droite. ( cf. Mogniss H. Abdallah, « Ratonnade de Grasse, un certain 12 juin 1973 » : https://www.cairn.info/revue-plein-droit-2015-4-page-44.htm ). Ces propos font alors écho à la campagne « Halte à l’immigration sauvage», lancée au niveau national par le groupe d’extrême-droite Ordre nouveau, ou au roman Le Camp des saints, de Jean Raspail, qui évoque l’invasion de l’Occident par des immigrés comme prémisse au « grand remplacement », et les animalise. La droite gaulliste n’est pas en reste : en 1969 déjà, Maurice Schumann, ministre d’État chargé des affaires sociales, justifiait dans un article publié dans la Revue de défense nationale (juin 1969) la nouvelle politique gouvernementale de « maîtrise » de l’immigration par le  » risque (…) de voir se constituer des îlots de peuplement imperméables aux processus traditionnels d’assimilation ».
L’été 1973 à Marseille, les drames vont se multiplier. Le 14 août, Ahcène Idjeri, 18 ans, est tué par balles. Youcef Meki est frappé à mort le 18. Rachid Mouka est tué par balles le 24. Mais les événements vont encore s’accélérer à la fin du mois, après la mort du traminot Emile Guerlache, égorgé par un déséquilibré algérien. La presse locale se déchaîne, à l’instar du Méridional qui sous la plume de Gabriel Domenech, publie le 26 août un éditorial virulent intitulé « Assez, Assez, Assez » qui s’en prend aux Algériens tour à tour voleurs, casseurs, trublions, violeurs, proxénètes, fous ou tueurs. Face à l’inertie selon lui des pouvoirs publics, il ne faudra pas s’étonner, écrit-il, que les citoyens se fassent justice eux-mêmes. Le soir même d’une manifestation organisée le 28 août par un Comité de défense des Marseillais, Ladj Younès (aussi orthographié Ladj Lounès), 16 ans, est tué par un rapatrié d’Algérie sous-brigadier de police.
La grève générale contre le racisme – septembre 1973
Cet énième assassinat provoque une mobilisation d’envergure : à la fin du cortège qui accompagne le corps de Ladj Younes au port, une « grève générale contre le racisme » est décrétée pour le 3 septembre à Marseille, puis s’étendra à Aix, Toulon, Nice, Grenoble, Toulouse, Paris, d’autres villes encore. Cette initiative va surprendre par ses formes, parfois inédites : on s’attendait par exemple à des piquets de grève devant les usines. Ils ont aussi lieu à l’arrêt de bus ou dans les stations de métro, dans les foyers, au café… Des commerces baissent leurs rideaux et à Paris, ouvriers et étudiants se rassemblent devant la grande mosquée. Sans compter bien sûr les débrayages dans les usines, sur les chantiers navals et dans le bâtiment à La Ciotat, à Citroën-Balard ou Renault, dans le nettoyage du métro… Même la construction de la tour Montparnasse est à l’arrêt.
La presse nationale, des radios et la TV en parlent, chiffres à l’appui : Radio Monte-Carlo annonce 100 % de grévistes sur un site à Fos s/Mer. Selon Témoignage Chrétien, 30 000 personnes ont fait grève dans le sud, 18 000 selon le quotidien l’Aurore. Mais c’est surtout le foisonnement de publications (tracts et journaux ronéotés, affiches, en français et en arabe) initiées par le Mouvement des travailleurs arabes (MTA), créé en 1972, qui permettra d’informer sur l’ampleur et les détails de cette grève. Puis, au-delà de la rhétorique « agit-prop » de circonstance, de l’inscrire dans l’histoire. A cela s’ajoutent les témoignages oraux par ses acteurs eux-mêmes. Tel Farid Aïchoune (1951 – 2022), qui deviendra plus tard journaliste à Sans Frontière puis au Nouvel Obs. En 2010, à l’occasion d’un hommage à Mohamed Bachiri dit Mokhtar (1947 – 2010), un des grands tribuns du MTA, il relatera forces gestes à l’appui : « On est alors une poignée, on lance un mot d’ordre de grève générale, et à notre grande stupéfaction ça marche ! La dernière grève des Maghrébins remontaient à 1956 lorsque le FLN lance la « grève des 8 jours » qui a eu lieu en Algérie et en France du 28 janvier au 4 février 1957 ».
Saïd Bouziri (1947 – 2009), membre fondateur du MTA, revient lui dans un entretien en 1999 avec Bernard Lehembre, membre du CDVDTI (Comité Droit-Vie des travailleurs immigrés ), sur ce mouvement, sans le mythifier. Ce n’était « absolument pas un parti ni même une organisation, mais surtout un réseau d’amitiés sur tout le territoire… Ça n’a jamais été quelque chose de fermé sur la communauté arabe », conclut-il, récusant les procès en « communautarisme »…
« Nous ne faisons pas grève contre les Français, mais contre une poignée de racistes », soulignent tracts et affichettes. Et de fait, des militants du MTA participent simultanément en 1973 – 74 aux grands rassemblements ouvriers et paysans français, à Besançon pour soutenir les LIP en grève ou au Larzac. Sur ce plateau de l’Aveyron, Mokhtar tonnera : « Nos luttes, avec le caractère qu’elles ont, sont des luttes du tiers-monde contre le capitalisme et l’impérialisme » (intervention reprise dans le disque Larzac 74, collection Expression Spontanée).
Le MTA a par ailleurs développé une forte activité culturelle, notamment par le théâtre populaire, la chanson et la poésie. Mustapha Mohammadi d’Aix-Marseille, un ancien du MTA toujours militant associatif basé à Gardanne, tient à le rappeler lors d’une rencontre le 4 décembre 2013 au Tabou, un café-théâtre alors tenu par l’intarissable Hamid Aouameur. Il y clamera « C’est moi l’Assassiné », poème en arabe de Lazhar, un travailleur immigré rendant à l’époque hommage aux victimes de l’attentat au consulat d’Algérie à Marseille, le 14 décembre 1973, qui fit 4 morts et une vingtaine de blessés. Cet attentat, revendiqué par un mystérieux Club Charles Martel, marque l’apogée de la flambée raciste de 1973. Ses auteurs n’ont jamais été retrouvés, tout comme ceux des multiples meurtres précités. Seule la famille de Ladj Younès, après avoir mené sa propre enquête, parviendra à identifier son meurtrier et à le faire incarcérer, mais ce dernier mourra en prison avant de comparaître en justice.
Cinquante ans après, plusieurs projets de documentation de cet été meurtrier 1973 sont en cours. Ils peinent souvent à se concrétiser. Par la diffusion de ce document filmé, qui comprend des extraits d’entretiens ou de tournages réalisés à différents moments, mais aussi des archives sonores ou visuelles (photos, afiches, tracts etc.), l’agence IM’média entend contribuer, sans exclusive, à faire aboutir ces projets, et appelle en ce sens à mutualiser les énergies et les ressources disponibles.
Mogniss H. Abdallah
Réalisateur
Mogniss H. Abdallah

Mogniss H. ABDALLAH, journaliste et réalisateur, est né en 1957 à Copenhague, de mère danoise et de père égyptien. Il vit en France depuis 1966. A la fin des années soixante-dix, il participe à différentes rédactions, dont celle du journal Sans Frontière, ainsi qu'au mouvement des radios libres, puis au réseau des télévisions associatives, dont Zalea TV (début des années 2 000). Il écrit aussi des papiers pour la presse généraliste comme Libération. En 1983, il co-fonde IM'média, une agence de presse multi-média, spécialisée dans les luttes de l'immigration et des quartiers populaires, et réalise de nombreux reportages ou documentaires, en nom personnel ou collectif, parmi lesquels Minguettes 1983, paix sociale ou pacification? (1983); Abdel pour Mémoire (1988);   Douce France - la Saga du mouvement beur (1993); On Marche etc. (1994)... Dans le cadre d'un partenariat européen entre IM'média, Migrant Media, le George Padmore Institute ou New Beacon Books (Londres), il co-réalise et co-produit plusieurs documentaires, dont Britain's Black Legacy (1991),  Sweet France (1992), et Le Syndrome de Hoyerswerda (1994), ainsi que des reportages liés à la mémoire des mouvements  sociaux, politiques ou culturels, ou encore des portraits des protagonistes de ces luttes. L'agence IM'média entretient à cet effet un important fonds d'images d'archives, mis à la disposition de différents projets de production portés par des TV ou des associations. Par ailleurs, Mogniss H. Abdallah écrit régulièrement des articles pour la mémoire des luttes et pour une évaluation critique des médias mainstream ou indépendants, et a publié plusieurs ouvrages, dont Jeunes immigrés Hors les murs (1982), J'y suis, j'y reste ! (2000) et Rengainez, on arrive ! (2012).


Samir Abdallah

Samir Abdallah est né à Copenhague, au Danemark, de l’union du pionnier de l’art moderne égyptien Hamed Abdalla avec sa femme, Kirsten Hamed Abdallah, infirmière danoise. Il vit en France depuis l'âge de 6 ans, où il a acquis la nationalité française. Après des études d'Art dramatique et de Cinéma à l'Université de Nanterre au début des années quatre-vingts, il participe à la création de l’Agence IM’Média avec son frère Mogniss, et réalise de nombreux reportages et documentaires sur l'Immigration pour l'émission Rencontres, sur la chaîne française FR3, entre 1988 et 1991. Il a réalisé seul ou en collaboration de nombreux documentaires, parmi lesquels : L'Islam de France, entre traditions et modernité en 1990 , La Révolte de Veaux-en-Velin en 1991, Voyages au Pays de la Peuge, en 1991, La Ballade des sans-papiers en 1997, Le Siège en 2002, Ecrivains des Frontières, voyages en Palestine(s), en 2004, Quo Va Dis?, en 2006, Après la guerre, c'est toujours la guerre, en 2007, Gaza-strophe, Palestine, en 2009, Candidats pour du Beur?, en 2012, Au Caire de la Rêvolution, depuis 2011... En 1991, il fonde L'Yeux ouverts qui organise des ateliers dans les quartiers, et anime un réseau international de projections publiques de films exprimant un point de vue critique sur le monde contemporain, avec plus de 3000 partenaires associatifs et divers, en France, Europe, pays arabes et Amériques, un réseau baptisé du nom de : CINEMETEQUE qui développe le site de films du même nom.


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