NAR - Le Feu

Mogniss H. Abdallah
Samir Abdallah

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NAR - Le Feu

Un film de Mogniss H. Abdallah, Samir Abdallah

2023 | CLIP | 3 mn 05" | Agence IM'média

Producteur
Agence IM'Média
agence.immedia@free.fr

Distributeur
Agence IM'média
agence.immedia@free.fr

Site du film

Synopsis

Clip de NAR (Le Feu), une chanson du groupe Carte de Séjour, écrite en 1983 et toujours d’actualité, contre les crimes racistes ou sécuritaires.En hommage à tous les disparus, ainsi qu’à Rachid Taha & Mohammed Amini, co-leaders du groupe, décédés en 2018 et 2019.

Ce clip conclut le film d’archives « UNE MÉMOIRE VIVANTE » réalisé pour les 40 ans de l’agence IM’média.

Dès le tout début des années 1980, les rockers lyonnais participent volontiers à des concerts de soutien au mouvement naissant des jeunes issus de l’immigration et des quartiers populaires. Leurs textes s’inspirent directement des aspirations de la nouvelle génération et, sur scène, ils n’hésitent pas à commenter l’actualité à chaud, en inter-action avec le public. Un exemple parmi d’autres : lors d’un concert à Paris en 1982, la police rôde autour de la salle. Rachid Taha, le chanteur du groupe, improvise alors une mise en garde reprise plus tard dans le morceau Khamsa : « Aïe-aïe-aïe, lahnoucha [ les flics] / ils sont partout /partout où tu vas ». Pour être bien compris par tout le monde, il s’exprime à ce moment-là en français, le reste  du  répertoire de Carte de Séjour étant surtout chanté en arabe, ou du moins dans un sabir franco-maghrébin propre à Rachid Taha.

Quant à Mohammed Amini, l’aîné du groupe, il arbore parfois sur sa guitare le logo « Rock against police », à l’instar de Woody Guthrie (folk nord-américain) et son fameux « This machine kills fascists ». Un jour dans leur local sur les pentes de la Croix-Rousse à Lyon, il exhibe une très grande main de Fatma, devenu emblème de Carte de Séjour, symbolisant la protection contre le mauvais oeil. Khamsa, explique-t-il, est ici une métaphore pour signifier aux racistes de tout poil: attention, on vous surveille !

A l’automne 1983, le groupe est en studio pour enregistrer son album Khokhomanie, il ne peut donc pas participer activement comme il l’aurait souhaité aux différentes étapes de la Marche pour l’égalité et contre le racisme, partie de Marseille le 15 octobre. Les jeunes des Minguettes, noyau initial de cette Marche, le groupe les connait bien. Et en solidarité avec eux, il est venu jouer plusieurs fois, notamment en bas des tours de la ZUP de Vénissieux, en banlieue lyonnaise, au printemps 1983.

Le soir venu, ses membres se retrouvent sur la Croix-Rousse au bar Midnight Rambler, se demandant comment contribuer quand même. Jaillit alors l’idée de composer une chanson, dont une ébauche sera entonnée à l’espace Balard, lors de l’arrivée triomphale de la Marche le 3 décembre à Paris. L’écriture de Nar est collective. Le groupe en discute longuement au bar avec des militants engagés dans les campagnes menées à Marseille, Lyon ou Paris pour rendre justice aux personnes assassinées. Une liste, qui ne se prétend pas exhaustive, est dressée ensemble, Rachid Taha se chargeant d’apporter sa touche émotionnelle, mélancolique, avant de rebondir sur la revendication commune de justice. Extraits :

Diab, Moustapha,
Houari, Abdennbi,
Abdelkader, Abdelnasser,
Wahid, Taoufik

Mes yeux ont pleuré
Une larme a coulé

En la mémoire de tous ces morts
partis en vain
Justice devra être faite
Aujourd’hui ou bien demain

Le verdict tombera
Aujourd’hui ou bien demain

Yazid, Zahir,
Hamid, Djamel,
Sans oublier Habib
Sans oublier…Habib

Les noms égrenés renvoient à des meurtres récents, comme celui de Habib Grimzi, touriste algérien défenestré par trois apprentis légionnaires dans le train Bordeaux-Vintimille, le 14 novembre 1983. Ou encore Kader de Vitry, tué le 16 février 1980 par un concierge d’immeuble; Lahouari Ben Mohamed, tué par un CRS le 18 octobre 1980; Abdennbi Guemiah, mortellement blessé par un tir de 22 long-riffle le 23 octobre 1982; Wahid Hachichi, tué à Lyon le 28 octobre 1982; Taoufik Ouanès, un gamin de 9 ans tué à La Courneuve; Djamel Itim, 19 ans, et Djamel Kherkour, 23 ans, tué à Montreuil par un ancien vigile le 9 août 1983…

Il y a aussi quelques allusions à des affaires plus anciennes ayant en leur temps défrayé la chronique, comme celles de Mohamed Diab ou de Moustapha Boukhezzer, respectivement assassinés au commissariat de Versailles le 29 novembre 1972 et à Châtenay-Malabry le 27 août 1977. Par ces références historiques implicites, il s’agit de souligner que les crimes meurtriers ne sont pas de simples faits divers ou des « bavures ». Leur répétition sans fin et leur impunité, à quelques exceptions près, font système.

Après d’âpres discussions, choix a été fait de ne citer que des prénoms. Par souci de respecter un certain anonymat des familles, bien souvent tiraillées entre droit à l’oubli et devoir de mémoire. Il a aussi été question de mentionner la localité, le quartier ou la ville de résidence des défunts. Une idée finalement abandonnée, à regrets pour certains, afin de garder une dimension plus universelle. La chanson ne peut en effet se réduire à une pétition de principe, un article de presse, une thèse de fac ou encore un tract de circonstance. Cela n’empêche pas lors des concerts live des impromptus de la part du chanteur ou d’intervenants dans la salle pour développer telle ou telle situation spécifique. D’ailleurs, Nar a évolué  au gré de l’actualité, des noms de personnes assassinées ont été rajoutés au fur et à mesure que les drames se multipliaient, surtout entre 1983 et 1985. Et Rachid Taha s’implique lui-même, comme dans la campagne des Jeunes Arabes de Lyon et banlieue (JALB) pour que justice soit rendue à Nordine Mechta, un jeune assassiné le 29 septembre 1985 par trois videurs à la sortie d’une boîte de nuit.

Nar a pris une dimension atemporelle. A réécouter aujourd’hui, cette chanson reste d’une actualité brûlante. Étrangement, il n’y a pas de clip en images. Attention, il ne faut pas confondre avec  Halouf En-Nar, un autre tube de Carte de Séjour qui n’a rien à voir ! Alors pourquoi ne pas en faire un ? C’est ainsi que l’agence IM’média a été motivé pour en produire un à partir de ses images d’archives, en accord avec Mokhtar Amini et Jérôme Savy, deux survivants de Carte de Séjour soucieux de maintenir vivante la flamme du groupe. Ce nouveau clip est aussi réalisé en hommage à Rachid Taha, décédé le 12 septembre 2018, et à Mohammed Amini, parti le 25 novembre 2019. Qu’ils reposent en paix.

Réalisateur
Mogniss H. Abdallah

Mogniss H. ABDALLAH, journaliste et réalisateur, est né en 1957 à Copenhague, de mère danoise et de père égyptien. Il vit en France depuis 1966. A la fin des années soixante-dix, il participe à différentes rédactions, dont celle du journal Sans Frontière, ainsi qu'au mouvement des radios libres, puis au réseau des télévisions associatives, dont Zalea TV (début des années 2 000). Il écrit aussi des papiers pour la presse généraliste comme Libération. En 1983, il co-fonde IM'média, une agence de presse multi-média, spécialisée dans les luttes de l'immigration et des quartiers populaires, et réalise de nombreux reportages ou documentaires, en nom personnel ou collectif, parmi lesquels Minguettes 1983, paix sociale ou pacification? (1983); Abdel pour Mémoire (1988);   Douce France - la Saga du mouvement beur (1993); On Marche etc. (1994)... Dans le cadre d'un partenariat européen entre IM'média, Migrant Media, le George Padmore Institute ou New Beacon Books (Londres), il co-réalise et co-produit plusieurs documentaires, dont Britain's Black Legacy (1991),  Sweet France (1992), et Le Syndrome de Hoyerswerda (1994), ainsi que des reportages liés à la mémoire des mouvements  sociaux, politiques ou culturels, ou encore des portraits des protagonistes de ces luttes. L'agence IM'média entretient à cet effet un important fonds d'images d'archives, mis à la disposition de différents projets de production portés par des TV ou des associations. Par ailleurs, Mogniss H. Abdallah écrit régulièrement des articles pour la mémoire des luttes et pour une évaluation critique des médias mainstream ou indépendants, et a publié plusieurs ouvrages, dont Jeunes immigrés Hors les murs (1982), J'y suis, j'y reste ! (2000) et Rengainez, on arrive ! (2012).


Samir Abdallah

Samir Abdallah est né à Copenhague, au Danemark, de l’union du pionnier de l’art moderne égyptien Hamed Abdalla avec sa femme, Kirsten Hamed Abdallah, infirmière danoise. Il vit en France depuis l'âge de 6 ans, où il a acquis la nationalité française. Après des études d'Art dramatique et de Cinéma à l'Université de Nanterre au début des années quatre-vingts, il participe à la création de l’Agence IM’Média avec son frère Mogniss, et réalise de nombreux reportages et documentaires sur l'Immigration pour l'émission Rencontres, sur la chaîne française FR3, entre 1988 et 1991. Il a réalisé seul ou en collaboration de nombreux documentaires, parmi lesquels : L'Islam de France, entre traditions et modernité en 1990 , La Révolte de Veaux-en-Velin en 1991, Voyages au Pays de la Peuge, en 1991, La Ballade des sans-papiers en 1997, Le Siège en 2002, Ecrivains des Frontières, voyages en Palestine(s), en 2004, Quo Va Dis?, en 2006, Après la guerre, c'est toujours la guerre, en 2007, Gaza-strophe, Palestine, en 2009, Candidats pour du Beur?, en 2012, Au Caire de la Rêvolution, depuis 2011... En 1991, il fonde L'Yeux ouverts qui organise des ateliers dans les quartiers, et anime un réseau international de projections publiques de films exprimant un point de vue critique sur le monde contemporain, avec plus de 3000 partenaires associatifs et divers, en France, Europe, pays arabes et Amériques, un réseau baptisé du nom de : CINEMETEQUE qui développe le site de films du même nom.