SAIGNEURS
Raphaël Girardot et Vincent Gaullier
VINCENT GAULLIER
SAIGNEURS
Un film de Raphaël Girardot et Vincent Gaullier, VINCENT GAULLIER
2017 | Documentaire | 97 min | ISKRA
Producteur
Mille et Une Films
tel : 00 33 2 23 44 03 59
contact@mille-et-une-films.fr
Distributeur
ISKRA
01 41 24 02 20
iskra@iskra.fr
Dans un abattoir, symbole de ce monde du travail qui cache ses prolétaires et le « sale boulot », des femmes et des hommes oscillent entre fierté du savoir-faire et fatigue du labeur. Ils parlent pénibilité, dangerosité et précarité. Ils sont découpeurs, tueurs, dépouilleurs, estampilleurs, saigneurs… Seigneurs car ces ouvriers portent toute la noblesse de l’être humain en même temps que sa tragique dépréciation.
Note de réalisation
La tuerie se trouve au fond d’un site industriel moderne où travaillent plus de 1000 personnes. Quatre chaînes d’abattage alignées sur 500 m2, trois pour les bovins et une pour les moutons. À 5h45, pas un poil, pas une goutte de sang, pas un lambeau de chair, juste des ouvriers en train d’effectuer un étrange rituel. En rythme, ils moulinent les bras, plient les genoux, font tourner leur tête… Ce sont les 7 minutes de gymnastique obligatoire pour dérouiller les poignets, les coudes, les épaules, mais aussi les lombaires, les cervicales… Comme des boxeurs avant la lutte. À 6h la première bête est tuée et pendue par la patte, présentée ainsi la tête en bas aux ouvriers, perchés sur leur nacelle à 3 mètres au dessus du sol. La chaîne se met en route dans un bruit qui va aller croissant, au rythme répétitif. Toutes les 20 secondes, une carcasse de mouton passe devant un abatteur. Toutes les minutes pour une vache ou un taureau. A chaque fois le couteau ou la scie court le long de l’os, le contourne ou le coupe en deux. Les visages sont crispés, en sueur, la concentration est extrême pour bien faire le boulot et ne pas se blesser. Entre le bruit et les bouchons d’oreille, impossible de se parler. Et ainsi de suite, toute la journée, avec des pauses de 9 minutes toutes les trois heures. Devant cette réalité, il est illusoire d’essayer de penser aux bêtes, la souffrance des hommes crie plus fort. Après trois ans de recherche et d’attente pour se faire accepter par le directeur d’un abattoir industriel, nous avons obtenu ce que tout le monde disait utopique : filmer librement dans un hall d’abattage pendant un an. Nous avons récupéré nos tenues réglementaires, les mêmes que celles des ouvriers, nos casiers de vestiaire et nos badges et nous avons choisi nos jours de tournage. Arrivés sur place, nous avons pu filmer la fatigue des vestiaires comme la houle des réunions mais surtout nous avons pu circuler dans le hall, de poste en poste, à partir du moment où nous respections les consignes de sécurité et d’hygiène. Pendant ces 12 mois, nous avons forcément perdu un peu d’audition, malgré nos protections, vu plus de sang que depuis notre naissance, ressenti l’odeur de la mort comme jamais et éprouvé de la peur régulièrement mais nous avons toujours été poussés par la puissance des abatteurs et la force de leurs attentes vis-à-vis du film et des répercutions qu’il aurait sur le « monde extérieur », ignorant de ce qui se joue derrière les murs d’un hall d’abattage. Filmer en abattoir représentait une vraie gageure pour nous : comment éviter que la violence de la mort ne vienne aveugler le spectateur ? Comment filmer ce lieu, pour que le spectateur regarde l’homme, et non pas la bête ? Comment filmer la dureté de la tâche, la fatigue sans avoir le regard happé par cette patte tranchée ou par cette carcasse découpée en deux ? Les ouvriers nous l’ont dit eux-mêmes dès le premier jour : « C’est impossible de filmer ici, trop de sang, trop de bruit. » Notre premier travail a été de créer une progression pour offrir la possibilité de ressentir sans rejet. Il ne suffisait pas de partir des postes moins sanglants pour finir à la découpe de la tête mais bien de rester sensible à ce que la séquence nous renvoyait. Ce qui est donné à voir, à entendre et à comprendre à la fin du film ne pouvait pas être accepté avant. Les images ne sont pas édulcorées mais elles sont patiemment cadrées. Nous sommes montés sur les nacelles pour nous coller à ces visages et à ces corps, nous rapprocher de leur position, ne plus les voir comme des objets de notre dégoût mais comme des sujets de notre colère. Nous leur avons donné la parole sur leur poste de travail pour que l’humain passe audessus du bruit de la chaîne. En entendant leurs ressentis, leurs souffrances et leur recherche du travail bien fait, nous reconnaissons nos attentes de la vie. Enfin, nous sommes restés dans l’usine, n’offrant comme soupape à la cadence infernale de la chaîne que les 3 minutes des salles de pause ou les 5 minutes des réunions managériales. Et alors retrouver régulièrement leurs regards tendus, leurs épaules douloureuses, leurs dents serrées raconter la violence de ce lieu et de notre société.
un film de : Raphaël Girardot et Vincent Gaullier
Image : Raphaël Girardot
Son : Vincent Gaullier
Seconde équipe image : Philippe Van Leeuw
Montage : Charlotte Tourres
Montage son : Jean-Marc Schick
Mixage : Fanny Weinzaepflen
Production : Matthieu de Laborde et Gilles Padovani
Une production Iskra et Mille et Une Films.
Raphaël Girardot et Vincent Gaullier
Né en 1965, Raphaël Girardot est diplômé d'une licence de cinéma à Paris 8 après avoir étudié la philosophie deux ans durant. Les enseignements et les idées de Jean-Henri Roger, Renaud Victor, Serge Le Péron, Jean Narboni, Philippe Arnaud, Jean Paul Fargier ou Simon Luciani l'ont marqué et continuent de le suivre aujourd'hui dans ce qu'il essaye de transmettre. L'Université de Saint-Denis est aussi le lieu de la rencontre d'étudiants qui ont compté pour lui, comme Alain Raoust, Pauline Dairou, Antonie Bergmaier, Stephane Rizzi, Zaida Ghorab. Après un passage aux Cahiers du Cinéma, Raphaël Girardot se lance dans une vie professionnelle entre l'assistanat en réalisation, en régie et surtout en montage d'un côté et le développement de projets personnels de fiction de l'autre qui aboutissent à trois courts métrages. En 1996, il est chef monteur (le plus souvent au son) quand il suit la formation à la réalisation des Ateliers Varan : Jean Lefaux, Patrick Genet, André Van In, Leonardo Di Costanzo sont ses formateurs et Marie Pierre Bretas, Laurent Salters, Olivier Pousset participent à la formation avec lui. Il co-réalise avec les deux premiers son premier long métrage et produit les films du troisième. La vie n'étant qu'une suite de rencontres, Raphaël Girardot travaille ensuite avec Matthieu Delaborde à Iskra, Vincent Gaullier à Archimède et Mariana Otero au Créadoc. Jusqu'à aujourd'hui, Raphaël Girardot partage son temps entre montage de fictions et documentaires (principalement en montage son), enseignement en lycées et universités et réalisations de films. Son dernier film "Saigneurs" est sorti en salles le 1er mars 2017.
VINCENT GAULLIER
Vincent Gaullier est auteur et réalisateur de films à caractère scientifique (L’expérience Ungemach, une histoire de l’eugénisme (Fipadoc 2021), Atome sweet home (Pariscience 2015), Espèces d’Espèces (Prix Parisciences 2012), Le vaccin selon Bill Gates, Herbier 2.0…). Ou de documentaires plus société, pour le cinéma ou la télévision, coréalisé avec Raphaël Girardot : que m’est-il permis d’espérer (Prochainement en salle), Saigneurs (Sortie en salle 2016 – Cinéma du réel 2015), La ruée vers l’Est, Le lait sur le feu… Il est aussi producteur à Look at Sciences depuis 2012. ici je vais pas mourir (Cinéma du réel 2019), Le souffle du canon (Fipadoc 2019), Peau d’Âme (Sortie en salle 2018). Et lecteur au Fonds d’aide à l’innovation audiovisuelle (CNC). Il a été rédacteur en chef d’Archimède, le magazine de documentaires scientifiques et techniques Arte après avoir été journaliste scientifique à Sciences et avenir.