Jean-Baptiste DUSSÉAUX

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Biographie

RÉALISATEUR

Marqué très jeune par les photos d’Henri Cartier-Bresson, Josef Koudelka ou Eliott Erwitt, je me suis parfois rêvé photographe de guerre, mais je ne me souviens en réalité pas avoir voulu faire autre chose que réalisateur de films.

L’un de mes premiers « actes de cinéphile » fut de tenir semaine après semaine une liste exhaustive de tous les films que je vois au cinéma, et ce depuis mes 15 ans. Le premier film de cette liste, c’est Buena Vista Social Club, de Wim Wenders, vu le 24 juin 1999 avec ma mère et des amis à elle au cinéma L’Arlequin à Paris. À l’heure où j’écris ces lignes, 1.360 films figurent sur ma liste : en comptant une moyenne de 100 minutes par film, cela représente 136.000 minutes de visionnage, soit 2.166 heures, soit 90 jours. Trois mois complets passés à voir des films au cinéma en un peu plus de vingt ans que je tiens cette liste. Soit 1,25% de tout mon temps de vie. À la fois peu, et quand même pas mal. Chaque fois que j’y jette un œil, je me replonge dans des périodes révolues de ma vie, revivant les états émotionnels et repensant à mes relations amicales et amoureuses d’alors, me souvenant de ma boulimie de films Bollywood au milieu des années 2000, de ma période de vie à Budapest où j’ai découvert une autre cinématographie, avant de rentrer à Paris en 2010 pour commencer à moi-même réaliser des films.

Sur cette longue liste, quelques films m’ont marqué plus que d’autres, d’abord parce qu’ils portent en eux, parfois de manière cachée, un engagement critique du monde ou de la société. Le Limier, de Joseph L. Mankiewicz, qui est probablement mon film préféré, confrontation de classes qui prend la forme d’un humiliant jeu de piste. Princesse Mononoke, de Hayao Miyazaki, qui marque pour moi la fin de l’enfance autant qu’il illustre le passage douloureux du monde rural vers l’ère industrielle et ses démons. Devdas, de Sanjay Leela Bhansali, qui, sous un enrobage Bollywood, dénonce le système des castes en Inde. A Touch of Sin, de Jia Zhang-Ke, dont la brutalité fait écho à l’engagement ferme du réalisateur à montrer le malaise de la Chine contemporaine. Douze hommes en colère, de Sidney Lumet, géniale et intimiste dénonciation de la subjectivité des décisions de justice et de la force morale indispensable qu’il faut pour que Justice existe. Le Joli mai, de Chris Marker et Pierre Lhomme, parce qu’on n’a peut-être jamais aussi bien montré le traumatisme vécu en France de la guerre d’Algérie, justement en n’en parlant jamais. L’Esquive, d’Abdellatif Kechiche, film qui avait été un vrai coup de foudre et m’avait époustouflé par sa capacité à montrer la ferveur de la vie chez des jeunes qu’on montre généralement habités par la violence et le désarroi, et qui figure pour moi au sommet du cinéma français.

Avant que n’existent les cartes d’abonnement de cinéma qui ont rendu le geste de payer mon ticket de cinéma un peu caduque, je me souviens des cartes de fidélité que j’avais dans presque tous les cinémas de mon quartier, des tampons que l’ouvreuse y apposait pour chaque séance où j’assistais, jusqu’à avoir une place gratuite, généralement une séance l’après-midi en sortant du lycée puis de la fac. Je fréquentais alors beaucoup une mythique salle de cinéma, Le Champo, dans le Quartier latin : à l’époque maintenant révolue des projections en bobine 35mm, la salle de projection de la salle 1 avait la particularité — que j’aime à croire unique au monde — de se trouver au dessus de l’écran, et non au fond de la salle ; pour parvenir à projeter les films sur l’écran, le projectionniste inversait les bobines et les projetait sur un grand miroir qui recouvrait le mur du fond de la salle, pour que le film se reflète dans le bon sens sur l’écran, une dizaine de mètres plus loin. Parfois, je me retournais pour regarder le film à l’envers sur le miroir. C’était magique. Les temps changent, les projecteurs 4K ont remplacé les bobines qui parfois brûlaient, et la salle de projection du Champo est aujourd’hui, comme toutes les autres, au fond de la salle, face à l’écran.

Je n’ai pas étudié le cinéma. J’y suis venu par désir, par hasard, par chance. En ayant vécu près de la rue des écoles, dans le Quartier latin, La Mecque du cinéma à Paris. En n’ayant ni frère ni sœur et en me réfugiant dans les salles obscures pour ne pas rester seul. En prenant l’avion pour Johannesburg pour tourner y mon premier film. En travaillant pour Béla Tarr sur le tournage de son dernier film, dans le froid et humide hiver hongrois. Aujourd’hui, je réalise des films. Mon premier fut un documentaire, La Passion de Jacob Zuma, co-réalisé avec Matthieu Niango en 2009, qui traite de l’accession au pouvoir du Président d’Afrique du Sud d’alors, malgré son procès pour viol. Je suis en ce moment-même en train de finaliser la post-production de mon dernier film en date, un court-métrage de fiction intitulé Tatoués, qui traite de la confrontation générationnelle entre un jeune garçon né en France et sa grand-mère kabyle. Et je prépare Articule, une série entre fiction et documentaire qui met en scène des jeunes de cités qui fréquentent assidument un atelier d’improvisation théâtrale.

Parmi la douzaine de films que j’ai réalisés, je peux en citer quelques-uns dont je suis un peu plus fier, peut-être parce qu’ils sont plus engagés. Pour ce qui est des documentaires : Le Blanchiment Des Troupes Coloniales, qui traite du triste destin des Tirailleurs africains dans la Seconde guerre mondiale ; En Voiture Camarade !, qui retrace l’histoire sociale de l’URSS à travers l’industrie automobile soviétique ; ou encore À Ceux Qui Se Lèvent Tôt, co-réalisé avec Salima Tenfiche, qui rend hommage aux travailleurs invisibles du quotidien. C’est avec la fiction que j’ai renoué avec une de mes premières amours de cinéphile : le cinéma Bollywood. En 2018, j’ai réalisé Vénère, une comédie-musicale à la fois ancrée dans l’univers gris des « quartiers » et dans l’univers coloré de Bollywood.

Retour à l’enfance. J’ai plusieurs souvenirs de cinéma mais un film surnage : Jurassic Park. Il est d’ailleurs à l’origine d’une blague à répétition entre mon père et moi. En sortant du cinéma, j’avais apparemment tellement aimé le film que je ne parlais que de ça, et mon père de commencer à dire que j’aurais préféré avoir Steven Spielberg comme père plutôt que lui. Depuis, quand il me téléphone, il me dit parfois, à la fois pour rire et par nostalgie de cette époque où j’étais un petit garçon : « C’est ton père. L’autre. Pas Steven ».

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